Published On: ven, Août 5th, 2016

Disparition de Hassane Bazwi, l’homme qui aurait pu devenir le numéro un de l’UMT

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 Par Mustapha Jmahri (écrivain) 12

 Il était parti en Italie, il y a deux mois, pour voir ses enfants comme il en avait l’habitude. Mais voila que le destin en décida autrement. Lors du voyage retour vers son pays, Si Hassane Bazwi décéda subitement dans un hôtel en Espagne. C’est le genre d’événement auquel personne ne s’attend mais une crise cardiaque n’est jamais prévisible.  Dès que l’annonce de la catastrophe fut connue à El Jadida et Casablanca, un chagrin général régna dans sa famille et chez ses amis. Le défunt était en effet une personnalité attachante, un homme de principe, toujours égal à lui-même. Il était content de la vie  qu’il avait vécue puisqu’il m’a dit un jour « Si mon parcours était à refaire, je l’aurais refait de la même manière sans rien changer ». C’était là son point fort mais aussi, selon certains, sa petite faiblesse.

Pour les lecteurs qui ne le connaissent pas et qui veulent que j’aille tout de suite à l’essentiel, je leur dis, brièvement, que cet homme aurait été, si les circonstances lui avaient été favorables, le numéro un de la centrale syndicale UMT après la mort de son leader Mahjoub Benseddik.

En effet, le défunt a fait toute sa carrière au syndicat UMT qu’il a rejoint en 1962 et il y a gravi tous les échelons pour devenir secrétaire national. En cette qualité, il a côtoyé Mahjoub Benseddik et le staff dirigeant Mohammed Tibari, Mohammed Abderrazak, Abdelkader Awab et d’autres. Il a été de tous les combats mais, en fin de compte, après une trentaine d’années de militantisme sincère et désintéressé, il en fut exclu en avril 1990. Cette exclusion l’a brisé à tel point qu’il s’était investi dans l’écriture. Son premier livre « L’UMT, le rêve et la réalité », paru en 1993, fut écrit avec beaucoup d’amertume, spécialement pour expliquer son parcours dans la vie et sa relation avec le syndicat, le rôle qu’il y a joué, ses convictions profondes et aussi sa consternation envers l’ingratitude dont il avait fait l’objet à cette époque. Il m’avait dit, plus tard, qu’il n’avait jamais pensé un jour écrire un livre mais la chose s’était imposée à lui avec force. Ecrire sa vie et ce qui lui était arrivé avec la Centrale syndicale était, pour lui, une nécessité. Il dut fournir, comme il m’a dit, beaucoup d’efforts pour pouvoir faire ce premier livre. Il fallait qu’il témoigne pour l’histoire.

Puis, en 2001, à 65 ans, il pensa continuer ses études à la faculté des sciences économiques de Grenoble pour la préparation d’un DEA en économie et politiques internationales. Sa demande fut acceptée mais il ne put recevoir de visa pour regagner la France.

Dans son deuxième livre intitulé « Neuf siècles dans la tourmente », paru en 2010, Hassane Bazwi s’est éloigné de son sujet de prédilection pour aborder des thématiques beaucoup plus grandes et bien plus complexes. Nous lui avions organisé à El Jadida, le 9 avril 2010, dans le cadre des activités de la section locale de l’Union des Ecrivains du Maroc, une cérémonie de dédicace. Ce jour-là, il affirma que « depuis la fin du XIème siècle, les Européens n’ont eu de cesse que développer une culture de la violence qui ne s’est jamais démentie jusqu’à maintenant. Après avoir sapé les fondements de la      civilisation islamique, leur œuvre de destruction et de domination n’a pas tardé à déferler sur le monde»… J’aurais aimé personnellement, comme je le lui ai dit d’ailleurs, et je n’étais pas le seul, qu’il témoignât plutôt sur les sujets qu’il maitrisait, par exemple sur le syndicalisme marocain. Mais c’était son libre choix. Il m’avait expliqué l’une des raisons qui l’avait poussé à écrire justement ce dernier livre : rétablir ce qui était, pour lui, la vérité sur certains points de discorde dans la politique et l’histoire mondiale. Des sujets qui lui tenaient à cœur depuis qu’il collaborait au journal de l’UMT « Maghreb Informations» auprès de Mohammed Tibari, André Azoulay, Hassane Benaddi et Boubker Monkachi entre autres.

J’ai connu le défunt, si je puis-dire, dans la deuxième période de sa vie, c’est-à-dire après sa retraite et son retour de Casablanca vers sa ville natale, El Jadida, où il avait vu le jour en 1938. Quand je l’ai rencontré, il était avec une amie commune, l’universitaire jdidie Nelcya Delanoë qui a préfacé mon livre sur l’histoire de la communauté juive d’El Jadida. Il était venu avec Nelcya pour assister aux travaux du colloque organisé alors par la section locale de l’Union des Ecrivains du Maroc sur le thème : « La ville d’El Jadida dans les écrits étrangers ».  Depuis lors, il n’a cessé d’assister et de participer aux différentes rencontres culturelles qui avaient lieu à la bibliothèque de l’institution Kadiri, à la médiathèque Tachfini ou à la faculté.

Je voudrais enfin dire que Si Hassane Bazwi était de ces personnes d’agréable compagnie et qui, grâce à leur culture générale et à leur large expérience, vous enrichissaient à chaque rencontre. C’est ainsi que nous étions allés ensemble à certaines activités culturelles à El Jadida, à Casablanca, à Ben Ahmed et à Marrakech. Il avait une grande expérience de la vie qu’il avait acquise à travers ses différentes pérégrinations.

En 2013, j’étais professeur vacataire de journalisme à la faculté des lettres d’El Jadida. J’avais en charge d’assurer un module sur « le journalisme de commentaire » et, un jour, lorsque j’ai débuté avec mes étudiants le cours se rapportant à l’éditorial, j’avais invité Si Hassane pour justement parler de son expérience de journaliste à « Maghreb Informations » et « L’Avant-Garde ». Je lui avais mis une chaise en face des étudiants et je me rappelle, ce jour-là, l’immense joie qu’il avait éprouvée en parlant aux étudiants et en répondant à leurs questions. Il leur avait dit combien lui-même souhaitait être à leur place à la recherche du savoir.  A la sortie du cours, je l’ai invité à boire un café et il n’a pas cessé de me remercier pour lui avoir donné cette occasion de parler de cette riche expérience qui a marqué les annales de la presse marocaine.

J’ai beaucoup de chagrin car j’ai perdu un ami, mais je suis néanmoins un peu satisfait d’avoir perpétué sa trace dans mes livres : un premier témoignage dans mon livre « Souvenirs marocains, El Jadida au temps du Protectorat » paru en 2009 et, la deuxième fois dans « El Jadida, destins croisés 1900-1960 » publié en 2014.

Qu’il repose en paix.

jmahrim@yahoo.fr

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Displaying 2 Comments
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  1. Ali Bazwi dit :

    Un bel article. Excusez mon modeste français, mais je tenais à vous remercier. Hassane n’etait, peut être, pas le numéro 1 à l’UMT. Hassane n’avais jamais pensé, même pas pour une seconde, a devenir quelqu’un d’important au milieu du Syndicat Marocain. Le maroc etait son pays, les marocains sa famille. Respecter le prochain etait son pain quotidien. Il a toujours été un bon élève, pour apprendre à devenir un bon professeur. Une encyclopédie vivante, un historien affamé de vérité. Il aimait le createur, l’univers et tous ce qu’il y avait de bon autour de lui. Je n’ai jamais connu quelqu’un, modeste et altruiste( et c’est pour ça qu’il est mon numéro 1), comme Hassane. Pour lui, combattre le mal avec sa plume, etait essentiel comme l’eau et les dattes.
    Je m’excuses encore une fois et merci beaucoup pour ce bel article.
    Mes salutations distinguées

  2. Monsieur Jmahri bonjour
    Je ne saurai vous exprimer ma joie pour ce témoignage sincère pour un grand homme Feu Hassan Bazwi.
    Merci pour cet article.feu Hassan Bazwi était un homme de principe,d une loyauté irréprochable, cultivé, militant dans l âme, fidèle à ses idées sincères. Les syndicats ont perdu un grand homme.et ils ont bien montré leur ingratitude pour lui même après sa mort .personne n est éternel mais la mémoire de feu Hassan Bazwi restera gravée dans le coeur de ceux qui l ont connu et dommage pour ceux qui ne l ont pas rencontré. Il était une encyclopédie du savoir et de l amour pour toute personne qui l a rencontrée. Bien à vous Monsieur

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