Published On: mer, Juil 29th, 2015

Azama : Entre l’alose et le canoë- Kayak

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Par : Driss Tahi-_-tahi
Ce jour du mois de Mars, pour me rendre a El Jadida, et contrairement a l’accoutumée, j’ai eu une envie soudaine de prendre la route côtière au lieu de l’axe autoroutier Casa _ El Jadida. Je me suis rendu compte plus tard que l’idée n’était pas mauvaise du tout.
Au bout de trois quart d’heure au volant, et juste après avoir effectué le dernier tournant qui mène a la ville d’Azemmour, j’étais déjà en face du coté Est qui fait front a l’Atlantique et a l’embouchure de l’Oued Oum Errabii. Plus j’avançais et plus ce beau panorama grandissait devant moi, et plus il avait l’air infranchissable. C’est peut être l’impression qu’eurent tant d’assaillants a travers des siècles, et qui virent souvent leurs rêves de conquérir la ville se briser sur ses remparts imposants. Azemmour convoitée depuis l’antiquité par les carthaginois, les romains, les portugais et autres pirates et corsaires attirés surtout par l’alose dont l’estuaire du fleuve regorgeait et qui constitua une des principales richesses de la région.
Aujourd’hui que ce poisson légendaire a disparu des eaux de l’Oum Errabii, la vieille ville comme débarrassée a jamais de ce qui fut durant longtemps l’objet de convoitises, semble dormir sur ses lauriers se laissant tranquillement oublier.
Arrivé sur le vieux pont qui sépare les deux rives de l’Oued quelque chose attira mon attention, Je freinais la voiture et descendis sans regarder dans le rétroviseur, comme si je venais de retrouver quelque chose que j’avais perdu depuis un certain temps, ou plutôt ce que j’attendais comme un miracle après plusieurs années apparaissait soudain, là, devant moi.
Azemmour85
Un spectacle émouvant sous le pont, une vingtaine de petites embarcations aux couleurs ocres et jaunes évoluaient sur les eaux de l’Oued, glissaient a gauche et a droite dans un désordre presque parfait et sans se toucher. D’en haut cela ressemblait à un ballet dont la chorégraphie improvisée par les pagayeurs et ponctuée par les cris de ces derniers mêlés aux clapotis des pagaies sur l’eau. Je ne sais combien de temps je suis resté là, à contempler cette joyeuse scène, quand le klaxon d’un camion que ma voiture mal garée gênait, me tira de ma torpeur. Je repris le volant non sans peine, plongeant aussitôt dans un passé lointain.
Kanoe
C’était en 1986 lors du tournage d’un film documentaire intitulé : sur les rives de l’Oum Errabii produit par la RTM et réalisé par un canadien : Eric Peletier, l’équipe de tournage était accompagné du jeune et déjà compétent et talentueux journaliste Atik B.Chiguer (La CH.2M n’était pas encore née).
Il s’agissait de filmer une expédition qui devait descendre l’Oum Errabii depuis sa source au Moyen Atlas jusqu’à l’embouchure sur l’atlantique, aux pieds de la ville d’Azemmour, un périple long de 550 Km en canots pneumatiques.

L’un des objectifs du film était de faire découvrir au public les diversités traditionnelles et culturelles des populations riveraines de l’Oued, a majorité rurales, vivant essentiellement de l’agriculture et de l’élevage , des villages et des douars parfois enclavés vivant hors du temps, Leurs modes de vie , leurs habitudes culinaires , les danses folkloriques , les chants , leurs coutumes et usages sont restés malgré le temps jalousement gardés et inchangés. La beauté sauvage des paysages où forêts de Cèdres contrastent avec montagnes somptueuses aux couleurs rougeâtres, toutes ces richesses pourraient constituer une curiosité pour les visiteurs et une source d’inspiration pour les artistes.
Ce fut l’occasion aussi pour soulever et mettre en lumière les problèmes nombreux et cruciaux dont souffraient tous ces laissés-pour-compte
Pour mener a bien une expédition d’une aussi grande importance et conscients des difficultés a naviguer sur des cours d’eau parfois rapides et réguliers , et par endroits tellement bas que la propulsion des canots ne peut se faire qu’a la rame, alors, les organisateurs optèrent pour un homme capable aux yeux de tous de gérer tous les imprévus susceptibles d’entraver le cours de cette descente et mener cette flottille a bon port, il s’agissait de M’hamed Bettioui, capitaine de la protection civile, la quarantaine, sportif, amoureux de la mer, véliplanchiste, c’est d’ailleurs en équilibre sur une planche a voile sur un plan d’eau a Sidi Bouzid, que je fis sa connaissance quelques années plutôt en1980. L’homme partageait sa vie entre sa famille, la lecture et la mer. Aventurier , il le prouva en participant personnellement avec ses hommes au sauvetage de l’équipage du bateau qui fit naufrage en 1984 au large de Haouzia, près d’El Jadida et dont l’épave reste a ce jour témoin d’une intervention entreprise dans des conditions défavorables ; tempête, mer très agitée et moyens limités (l’hélicoptère aurait accompli la tâche sans difficultés) mais qui permit de sauver plusieurs marins étrangers ce qui valut a l’époque au capitaine Bettioui des éloges de toutes parts .
Haouzia
La descente de l’oued se passa sans problèmes majeurs et fut un succès d’après les participants, et les critiques.
Au cours d’un dîner offert par une famille Azemmourie dans un magnifique Riad dans la vieille ville, au micro de Atik B.Chiguer qui faisait un reportage quotidien pour la radio depuis le début de l’expédition, M’hamed Bettioui parla longuement de la possibilité qu’il y’avait a pratiquer le Canoë- Kayak sur les eaux de L’Oum Errabii, et dit a la fin que son vœux serait de voir un jour naître un club à Azemmour, afin de promouvoir ce sport et mettre a l’eau de jeunes athlètes et pourquoi pas participer a des compétitions nationales et même internationales. Cette déclaration est restée gravée dans ma mémoire et refaisait surface à chaque fois que j’étais en face de l’oued.
Vœux exaucés Mer Bettioui après trente ans (mieux vaut tard que jamais).
Aujourd’hui, le Club existe bel et bien, il s’appelle Club AZAMA, son nom est certes antique mais sa date de naissance est récente : Avril 2014. Il a adhéré la même année a la fédération royale marocaine de canoë kayak et se voit déjà confier l’organisation de la coupe du trône le 08/09 Août 2015 et ce, dans les épreuves Slalom/Course rapide/Marathon qui verra la participation de grands club marocains. D’après les responsables, le club est capable de mettre à l’eau pour ses séances d’entrainement qui se multiplient ces dernières semaines une quarantaine de canoë.

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Les athlètes filles et garçons sont motivés et leur acharnement laisse présager un bel avenir pour ce sport, peu connu au Maroc.
Les dirigeants et le staff technique mettent les bouchées doubles et ne ménagent aucun effort afin d’honorer l’engagement pris, un véritable challenge que cette coupe du trône. A cet effet les préparatifs vont bon train, on enchaîne contacts et réunions.
La direction compte déjà a son actif l’organisation d’une journée portes ouvertes qui a vu la participation de la championne du monde 2014 série Slalom en plus d’une sortie à Rabat et une autre à Dayat Roumi à Khemisset et dont les résultats étaient satisfaisants.
Les difficultés financières que connait ce jeune club ne semblent en aucun cas décourager cette armada d’amoureux du sport nautique et du canoë-kayak en particulier.
En attendant des jours meilleurs pour AZAMA, la symphonie des couleurs et des mouvements se poursuit sur les eaux verdâtres sous le pont de l’oued, et les pagaies continuent de battre la mesure avec en arrière plan le décor naturel et pittoresque de la vieille ville qui semble dormir d’un sommeil de mort, que seul le retour miraculeux des bancs d’aloses pourrait réveiller.

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