Published On: lun, Mar 19th, 2018

Il était une fois la famille Benatar à Mazagan

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Par Mustapha Jmahri (écrivain)—bb

Le nom de Benatar est celui d’une des familles marocaines juives d’El Jadida dont l’un des membres Nissim a passé toute sa vie dans cette ville où il était né. Il dirigeait un bureau d’assurances près de la Conservation foncière presque jusqu’à son décès survenu au début des années 1990. Pour connaître un peu plus cette famille, nous avons demandé à l’une des descendantes, Liliane Benizri Trinquier qui vit aujourd’hui en France, de nous en tracer les grandes lignes. Voici son témoignage :

« Je suis de la famille Benatar de Mazagan au Maroc. Ma mère, Sultane Benatar, est la benjamine de cette famille que vous citez à plusieurs reprises dans votre livre consacré à l’histoire de la communauté juive de la ville d’El Jadida. Mon père, né en 1906, était originaire de Salé. Ma mère était la dernière d’une fratrie de dix. Son frère Nissim, que vous avez connu à El Jadida, était l’un de ses frères alors que son autre frère David était un protégé anglais avant d’obtenir la nationalité britannique. Ma grand-mère était une fille Assouline. Les oncles et cousins de ma mère portaient les noms d’Abergel, de Ruimy et de Bensimon. Je ne peux pas en dire beaucoup plus compte tenu de la disparition de cette génération.

Seuls mes deux oncles, Nissim et son frère David Benatar, les plus jeunes garçons de la famille, ont toujours vécu à El Jadida. Ils ont pu fréquenter le collège et obtenir le brevet. Quant aux autres membres, ils ont connu différentes péripéties. Jacob est décédé à Mazagan vers 1958. Santos était parti en Argentine puis il est revenu à Mazagan où il a passé sa vie. Isaac a travaillé dans une banque française, puis frappé de discrimination lors de la Seconde Guerre mondiale, il a dû quitter son emploi puis a émigré à Casablanca après la guerre  et en France vers 1960. Elie, radié lui aussi de son emploi à la banque, est décédé prématurément lors d’une intervention chirurgicale. Simy Benatar, épouse Elbaz, a vécu vers la fin de sa vie à Casablanca, car son mari avait une entreprise d’import-export. Esther avait épousé Ruimy qui tenait le magasin de chaussures Bata à Mazagan, et ils ont vécu quelques années à Casablanca. Tout comme Isaac, Juda, l’aîné de la fratrie, a dû quitter son emploi à la banque pendant le gouvernement de Vichy, il s’est installé à Casablanca après la guerre  puis a émigré en France.

Mes parents se sont mariés en 1937 et c’est à ce moment-là que ma mère a quitté Mazagan pour vivre à Casablanca. Ils ont eu quatre enfants. Seule ma sœur aînée, malheureusement disparue en 1979, est née à Mazagan.

J’avais 13 ans lorsque mes parents ont émigré en France en 1957. Mon père, qui tenait un commerce de bois et charbon à Casablanca, a tout perdu au moment des événements de l’Indépendance, il fut très perturbé par la situation sociale de l’époque. Nous fûmes les premiers de la famille à quitter le Maroc malgré la vive désapprobation de ceux qui avaient choisi de rester.

Dans mon enfance, nous passions tous les étés à Mazagan, dans cette grande demeure  sise sur la place Brudo et habitée alors  par mes grands-parents. Mon grand-père est décédé en 1953 à l’âge de 82 ans et ma grand-mère mourut à Mazagan vers 1965. Mes grands-parents ne parlaient pas  le français, uniquement l’arabe et l’espagnol. Mon grand-père jouait le rôle d’écrivain public pour aider ses compatriotes musulmans en difficulté dans leurs démarches administratives. C’était des étés merveilleux mais aussi, je me souviens très bien de notre frayeur ce mois d’août 1955 lors de manifestations inattendues à l’époque.

Je suis retournée sur place avec mon époux en 2003, très déçue de voir notre ancienne maison vouée à la destruction. La demeure était interdite à la visite pour cause de restauration. Je garde un souvenir fabuleux de ce retour vers mon enfance. Nous avons eu la chance de rencontrer, par hasard,  un vieil ami musulman de la famille qui nous a pris en charge pour visiter le cimetière israélite où reposent la plupart des anciens de ma famille maternelle.

Je tiens aussi à vous remercier pour votre livre consacré à la communauté juive d’El Jadida. Ce travail de mémoire m’a beaucoup apporté sur les plans historique, social et humain. Vous avez réveillé des souvenirs enfouis depuis des années et que seule la génération, malheureusement disparue, de mes parents, pouvait encore évoquer. Votre érudition est une mine d’informations et d’explications utiles à la jeunesse marocaine actuelle pour la compréhension de cette histoire. Travail très utile aussi pour les descendants d’une communauté qui a vécu avec tant de bonheur dans ce beau pays, notre pays : le Maroc… » L.B. Trinquier

 

jmahrim@yahoo.fr

 

La photo familiale des Benatar -de haut en bas : Jacob, Nisssim, Santos, Isaac, Elie, Sultane, David, Simy, Esther, Juda, Saba née Assouline et Joseph Benatar

 

 

 

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