Published On: sam, Mar 3rd, 2018

Mathilde El Baz bent el-Maâlem

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Par : Mustapha Jmahri (écrivain)—coif

Mathilde Gesimann née El Baz a vu le jour à El Jadida. Son père tenait le premier salon de coiffure moderne sur la place Brudo. On l’appelait ainsi à El Jadida « bent el-maâlem » littéralement la fille de l’artisan eu égard au métier de son père. Mathilde précise qu’il y avait à El Jadida au moins deux ou trois familles qui portaient le même nom El Baz sans qu’il y ait de relation de parenté entre elles.

La famille de Mathilde, marocaine de confession juive, d’une lointaine origine ibérique, s’est installée d’abord à Azemmour où elle a fait souche. C’est d’ailleurs, dans cette ville que son père, Aaron El Baz, est né vers 1908. Son grand-père maternel Aaron Bensimon était rabbin à El Jadida. C’est à ce grand-père que revenait la charge de tuer les animaux de boucherie. D’ailleurs, souligne Mathilde, quelques uns de ses amis musulmans revenant de la chasse avec pigeons et perdrix lui demandaient de les égorger pour eux. Elle ajoute, avec un brin d’amusement, que son grand-père profitait de l’occasion pour rendre leur liberté à certains de ces oiseaux.

Son père avait juste une douzaine d’années quand il a commencé à apprendre la coiffure. Et cela a une histoire. A cet âge-là, il allait devant le salon de coiffure tenu par un espagnol sur la petite place Mortéo (aujourd’hui place sidi Mohammed Ben Abdellah) et se mettait derrière la vitre pour le regarder travailler. Le coiffeur espagnol finit par remarquer sa présence et, le trouvant gentil, il lui proposa de lui apprendre le métier. C’est ainsi que tout a commencé. A la mort du coiffeur espagnol, dans les années 1920, son père le remplaça. Dans un deuxième temps, quand il eut assez de clientèle, surtout européenne, Aaron El Baz créa un salon moderne pour coiffure hommes et femmes situé à un bel emplacement en centre-ville. Ce salon sis place Brudo (aujourd’hui place Hansali) faisait l’angle de l’avenue Mohammed V et la rue Lescoul. Dans cette rue Lescoul, Gloria Pillot, tante de Mathilde, tenait un hôtel.

Il faut dire aussi que la famille El Baz est une famille de coiffeurs. En effet, son oncle Baruck Pillot était coiffeur et avait un salon dans la rue Richard d’Ivry (aujourd’hui avenue Hassan II). Son autre oncle Emile Abécassis tenait un salon au début de la même avenue. Ces deux oncles sont enterrés à Casablanca. Quant à son frère Victor, également coiffeur, il partit en France et mourut à Paris.

La famille El Baz, constituée de quatre enfants dont deux filles et deux garçons, habitait place Gallieni (aujourd’hui place Khettabi). Le père, Aaron El Baz est resté à El Jadida jusqu’à la fin des années 1950. Devenu vieux, il a rejoint en France son fils, Georges, né d’un premier mariage.

Mathilde se rappelle la belle ambiance de la vie à El Jadida. Cette ville abritait plusieurs communautés qui se respectaient et s’appréciaient. Si ce n’est à l’époque du gouvernement de Vichy où certains Français étaient de tendance antisémite, la vie à El Jadida était très agréable. Son père Aaron, en plus de son activité de coiffeur, possédait des terres du côté de sidi Bennour (70 km d’El Jadida) qu’il exploitait en association avec son collègue musulman Benchaib. Ce dernier lui rendait souvent visite à son domicile à El Jadida et ils déjeunaient ensemble.

Pour sa scolarité, Mathilde a d’abord été en primaire à l’école des sœurs tenue par des religieuses avant de passer au collège de Mazagan (aujourd’hui lycée ibn Khaldoun). Là, elle se lia d’amitié avec des filles de toutes les nationalités : la fille Benallal, Denise Paoletti, les filles Buisson qui habitaient au Château rouge, Rachel Bitton et bien d’autres. La plupart des professeurs étaient français à part le professeur d’arabe. Pendant la Deuxième Guerre, devant la pénurie de professeurs, un officier militaire français leur donnait des cours de mathématiques.

En 1956, à quelques mois de la date d’Indépendance, sa mère, Simy Bensimon, fut atteinte d’un cancer. Les soins appropriés n’étaient pas disponibles à El Jadida et la famille dut déménager à Casablanca pour s’approcher d’une unité hospitalière compétente. Le père, quant à lui, resta à El Jadida et faisait des allers retours hebdomadaires pour s’enquérir de sa famille. Mathilde trouva alors un premier emploi à El Jadida à Bank Al-Maghrib où elle passa presque deux ans puis elle dut quitter son emploi pour rejoindre Casablanca où elle travailla comme secrétaire dans une société, sise avenue Emile Zola.

En 1958 Mathilde se maria  à un Parisien, originaire d’Alsace, et ce à Casablanca  là où une partie de sa famille s’était établie depuis de nombreuses années. Son mari créa la société des anciens établissements Geismann spécialisée dans la vente et le suivi des machines de tissage et de confection.

Mathilde vit toujours au Maroc à Casablanca qu’elle n’a jamais imaginé de quitter. De temps en temps, elle va en pèlerinage dans sa ville natale El Jadida-Mazagan pour se ressourcer et rencontrer quelques anciens de la ville.

 

jmahrim@yahoo.fr

 

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Displaying 1 Comments
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  1. PAGEIX dit :

    Encore une très belle histoire racontée avec talent.
    C’est toujours avec émotion que je lit le récit de ces vies qui, sans l’historien, seraient inexorablement tombées dans l’oubli.
    Qu’il en soit vivement remercié.

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