Published On: jeu, Nov 23rd, 2017

Le général Abdelhak El Kadiri enfant de la Cité historique

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Par Mustapha Jmahri (écrivain)kadiri

 Le général de corps d’armée Abdelhak El Kadiri est décédé le mardi 21 novembre 2017 à Rabat des suites d’une longue maladie. Cet enfant d’El Jadida, ou de la Cité historique comme il aimait l’appeler, a occupé d’importantes fonctions au Maroc et a rendu d’éminents services à son pays. Bien connu pour ses compétences, sa culture, son honnêteté et son intégrité morale, cet homme était aussi d’une grande modestie, ce qui était considéré comme l’une de ses plus grandes qualités par beaucoup de Marocains qui l’ont approché de près ou de loin. Et c’est d’ailleurs, dans ce sens, que j’aimerais apporter mon témoignage pour évoquer quelques détails de mes échanges avec ce grand homme.

C’est en fin d’année 2012 que j’ai pris ma retraite. J’avais alors l’habitude, avant de vaquer à mes occupations, d’aller dans un établissement près de chez moi pour prendre un café et lire le journal. Et c’est ainsi qu’un jour de Mars 2013, alors que je venais de m’installer, que mon téléphone sonna. Le numéro qui s’est marqué sur l’écran de mon portable provenait d’un fixe de Rabat.

–          Allo, dis-je.

Mon interlocuteur me répondit :

–          C’est Si Jmahri ?

–          C’est moi-même, répondis-je

–          Général El Kadiri à l’appareil.

J’ai marqué un court instant de réflexion et je répondis :

–          Mes respects mon général.

Le général me dit :

–          J’ai acheté votre autobiographie récemment dans une librairie à Marrakech et je vous félicite surtout pour les passages sur l’école Tahdib à El Jadida où moi-même j’ai fait ma scolarité et obtenu le Certificat d’études primaires. J’ai d’ailleurs plusieurs de vos ouvrages sur El Jadida et je vous félicite pour cet effort de recherche.

J’ai remercié le général et je suis rentré chez moi en me remémorant cette conversation. Je ne cache pas qu’en cet instant comme longtemps après, j’ai ressenti beaucoup de fierté de savoir mon travail, si modeste soit-il, apprécié à juste valeur par un grand homme d’Etat marocain comme le général El Kadiri. Mais ce qui m’a touché le plus, c’est cette grande modestie du général qui avait pris le temps de m’appeler et de m’encourager à continuer dans mon projet de publication des « Cahiers d’El Jadida ». J’étais également fier d’apprendre que le projet que je mène laisse de belles traces dans le cœur des lecteurs.

Dans la même année, le général m’a donné rendez-vous chez lui à Rabat. Il m’a reçu en présence de son frère, l’ami Redouane. Et ce fut l’occasion d’une conversation qui a duré deux bonnes heures, sur l’histoire d’El Jadida et sur les écrits historiques sur le Maroc ainsi que sur la bibliothèque de la fondation El Kadiri, là où j’ai naguère participé à plusieurs rencontres culturelles. J’ai découvert alors la grande érudition du général sur l’histoire du Maroc dans son ensemble et sur la ville d’El Jadida en particulier. J’ai découvert aussi son attachement au pays et à sa cité de naissance qu’il nomme « la cité historique ». D’ailleurs, le général m’a fait part d’une anecdote très instructive du temps où il suivait sa formation à l’académie spéciale militaire de Saint-Cyr en France. Dans cette académie, des officiers français, amis de promotion du général, lui demandaient : « M. Kadiri, vous êtes originaire de Fès ? ». Le général répondait : « Non, je suis Jdidi de la ville d’El Jadida ». Ses amis revenaient à la charge : « Oui, mais vos origines sont de Fès ? ». Et le général d’insister « Oui, si vous voulez, mais je suis Jdidi ». Ceci pour dire que le général, sans être chauvin, souhaitait simplement manifester sa fierté d’appartenir à une cité où sa famille a fait souche depuis la fin du XIXème siècle et où son père, Si Abdelouahed El Kadiri, résistant, est considéré parmi les personnalités les plus marquantes du parti de l’Istiqlal à El Jadida au temps du Protectorat.

A la fin de notre entrevue, le général a eu la gentillesse de m’offrir les quatre tomes de la première édition de l’ouvrage précieux et indispensable pour tout chercheur Le Maroc et l’Europe de l’historien Jean-Louis Miège. Précieux cadeau que je garde toujours dans ma bibliothèque.

En 2014, j’allais encore être témoin de la générosité et de la modestie du général quand je préparais, pour l’édition, mon livre El Jadida, destins croisés. Cet ouvrage, préfacé par le chercheur Mohammed Ennaji, je l’avais consacré à certaines personnalités d’El Jadida de diverses origines tels le leader syndicaliste Mohammed Tibari et Mohammed Aït Kaci. J’y ai aussi tracé le parcours du nationaliste Si Abdelouahed El Kadiri, père de Si Abdelhak. Quand le général prit connaissance du texte, il m’a fait parvenir, par le biais de M. Abderrahmane Sakhi, conservateur de la bibliothèque de la Fondation El Kadiri, un mot écrit à l’encre bleue de sa plus belle plume. Avec beaucoup de modestie et de reconnaissance, le général a rédigé le 17 novembre 2013 ce message : « Cher ami Si Jmahri, Merci d’avance pour cette grande contribution et ce témoignage de qualité. Au nom de la famille El Kadiri, nous vous présentons toute notre estime et notre reconnaissance, car en rendant, à travers vos écrits, hommage à mon père, vous rendez en même temps hommage à ses amis et à tous les nationalistes de notre région et de notre Cité historique. Très amicalement »

Je ne cache pas que le mot du général m’a touché d’autant plus qu’il m’a qualifié de « Cher ami ». Et à la sortie de ce livre, il a tenu à en acquérir un certain nombre d’exemplaires pour la bibliothèque de la Fondation ainsi que pour les membres de la famille El Kadiri.

J’eus encore l’occasion de rencontrer le général à deux ou trois autres reprises à El Jadida notamment lors du colloque sur les Français libéraux organisé par le Haut Commissariat aux anciens résistants et membres de l’armée de libération qui s’est tenu au musée de la Résistance et auquel j’ai participé.

Toutes nos condoléances à la famille du défunt. Puisse Dieu Tout Puissant l’accueillir en son Vaste Paradis.

 

 

 

 

 

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