Published On: lun, Sep 11th, 2017

Kadour, l’homme de La Brise

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Par Mustapha Jmahri (écrivain)betty

On l’appelait Kadour, tout simplement par son prénom. Je ne le connaissais pas personnellement mais seulement de vue. C’était à El Jadida dans les années 1970. En allant à mon travail en centre-ville, je voyais souvent Kadour, peut-être deux ou trois fois par semaine, qui arrivait au marché central dans sa vieille Mercédès. Il venait se ravitailler puisqu’il était patron de La Brise, l’hôtel-restaurant sur la route de Oualidia. Il lui arrivait aussi, après les courses, de partager un café ou un thé avec quelques unes de ses connaissances, originaires comme lui de l’Oriental. Parmi celles-ci, il y avait Ahmed Hassani, dit « Hmida », fonctionnaire à l’Office agricole et qui souvent parlait de lui.

En somme, je ne connaissais rien sur la personne. Il a fallu qu’apparaisse le livre Un coquelicot en hiver  pour que j’apprenne enfin qui était cet homme. Ce roman autobiographique est l’œuvre de sa fille Betty-Batoul, belgo-marocaine, née à Bruxelles, et que j’ai eu le plaisir de rencontrer à l’Institut français d’El Jadida un jour d’octobre 2010. J’ai lu le livre et là j’ai découvert le destin de cet homme, semblable à celui de presque tous les Marocains de cette époque : labeur, labeur, labeur.

Kadour est né à Guercif, entre Taza et Oujda, dans les années 1930. Jeune, il était parti en Europe pour atterrir en Belgique où il se maria avec Jeanine. Après quelques péripéties et des recherches de travail, il reviendra au Maroc en 1973 pour faire l’acquisition de l’hôtel-restaurant La Brise sur la route de Oualidia, dans la province d’El Jadida. Un endroit magnifique dans un paysage agréable en face de la lagune et que les propriétaires Grecs, puis Français avaient dû céder.

Le travail à l’hôtel, la gestion au quotidien n’est pas de tout repos. Son épouse Jeanine retournera en Belgique pour travailler et l’aider à payer les traites alors que Betty-Batoul est inscrite en 1974 à l’école Khadija Oum-el-Mouminine à El Jadida. La fillette est placée chez une dame qui vit avec sa grand-mère dont elle ne gardera pas un bon souvenir. Elle fut placée ensuite chez une famille marocaine modeste, près du souk, dont le père se montra sans morale.

Les gens se rappellent aussi qu’à l’occasion de la Fête du Trône du 3 mars, Kadour, pour donner du spectacle à ses invités, faisait venir de Guercif un groupe qui jouait la musique dite Reggada. Il fut ainsi le premier à avoir introduit à El Jadida ce genre musical rifain jusqu’alors méconnu dans la région des Doukkala.

On apprend à la fin du livre que Kadour succomba à une longue maladie malgré les soins qu’il recevait à Casablanca. Il mourut le 21 août 2002 et fut enterré au cimetière de Sidi Moussa à El Jadida. Un livre à lire.

jmahrim@yahoo.fr

sur la photo : Kadour, sa fille Betty-Batoul et son petit-fils

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Displaying 1 Comments
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  1. Betty Batoul dit :

    Merci beaucoup pour ce bel hommage à mon père. Il nous manque beaucoup mais son oeuvre continue à travers ses enfants.

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