Published On: dim, Mar 5th, 2017

Marie-Paule Tripard : J’ai quitté El Jadida en 1956

Share This
Tags

lycee_ibn_khaldoun

 Par Mustapha Jmahri (écrivain)

 Marie-Paule Tripard a vécu à El Jadida avec ses parents de 1942 à fin 1956. Aujourd’hui à la retraite elle vit en France. A notre demande, elle a bien voulu nous écrire ce témoignage.

Nous étions à El Jadida deux frères et trois sœurs. Mon père Henri Fauché  est arrivé à Mazagan en 1947 pour prendre en charge le poste d’économe de l’internat du collège de Mazagan (aujourd’hui lycée ibn Khaldoun). A notre arrivée nous avons été logés dans un chalet du centre d’estivage qui se trouve à l’entrée de la ville. Ce premier habitat n’était que provisoire car on a déménagé dans une maison de location au 10 rue de Lamotte-Picquet. Cette maison à étages se trouvait entre la route de Casablanca et la route de Marrakech au niveau des pergolas du jardin Mohammed V (ancien parc Lyautey). L’eau courante n’était pas encore disponible dans beaucoup de maisons et on devait pomper pour remplir le tonneau d’eau sur le toit de la maison et acheter de l’eau potable à des marchands qui portaient des guerbas (outres).

De l’autre côté, on rejoignait la route de Marrakech où se trouvaient les fondouks de commerce et les artisans forgerons. Dans notre rue, presque en face de chez nous, logeait le colonel de la Coloniale M. de Menorval que les Marocains appelaient el fessian (l’officier).

Au début des années 1950 mon père acheta un terrain au Plateau aux environs de l’hôtel Beaulieu (dont le terrain aujourd’hui est occupé par la direction régionale des impôts). A l’époque, cet hôtel était occupé par le commandant de la garnison militaire. Notre villa, dont mon père a fait les plans, se trouvait rue Wagner. A cette époque, nous étions au bord de la campagne avec vue directe mais lointaine sur le phare, car au-delà il n’y avait que les champs.

Nos voisins de la rue étaient surtout des Européens : le docteur Verdier, la famille Sarda, notre professeur de maths M. Fabre, le policier Thoraval. Un peu plus loin, la maison des Le Bail. Le gendre de Mme La Bail, M. Haury était directeur du port.

Nous avions de bonnes relations avec nos amis marocains au collège de Mazagan. Mais je devais quitter la ville avant 1956 pour faire mes études à Lyon alors que mes parents y sont restés jusqu’à la fin de l’année. Je suis revenue pour les vacances d’été et donc mon dernier séjour dans la ville date de juin 1956. C’était l’année de l’Indépendance du Maroc, année un peu tumultueuse et beaucoup d’Européens partaient. Seule une minorité étrangère y resta encore quelques années.

Je dois quand même dire que mes parents ne pensaient pas encore quitter le Maroc à ce moment-là. D’ailleurs ils avaient loué leur maison pour l’été à des gens de Marrakech. Mais ce n’est qu’une fois que mon père eut reçu sa nouvelle nomination en France qu’ils étaient revenus à El Jadida pour organiser leur déménagement. Ils ont pu alors vendre la villa à peu près au prix qu’elle avait coûté pour sa construction. Car la situation d’urgence ne laissait pas le temps aux Européens qui voulaient quitter la ville pour mieux négocier la cession de leurs biens dans de bonnes conditions. Cette situation a bien profité à certains Marocains aisés et aux grands commerçants dont beaucoup avaient fait l’acquisition de maisons ou de terrains appartenant à des étrangers.

Une anecdote : La dernière fois, il y a longtemps, que je suis allée à mon collège, le chaouch m’a saluée en me disant « Fauché, y en a pas l’argent ! » J’ai éclaté le rire, il était fier d’avoir découvert ce sens familier de « fauché ».

 

jmahrim@yahoo.fr

 

About the Author

-

Displaying 3 Comments
Have Your Say
  1. Je suis sur Facebook.
    J’ai vécu à Mazagan de 1949 à 1954 (en pension à Meknès pour les études, le reste du temps au port pour aider à sortir les bateaux du club de voile) puis je suis partie à Paris pour le Bac Philo et des études d’architecture.
    J’ai une sœur plus jeune, Agnès, qui faisait sa primaire et allait au catéchisme à la mission Franciscaine.
    Notre mère, Suzanne Létorey, était professeur de dessin au Lycée. J’aimerais avoir des détails sur elle car j’écris sa biographie en tant que peintre pour Wikipédia et La Nouvelle Encyclopédie Larousse. Elle avait des classes mixtes et aimait beaucoup ses élèves. Qui se souviendrait d’elle? Merci. Danielle

laissez un commentaire

XHTML: You can use these html tags: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>