Published On: sam, Sep 24th, 2016

Delanoë, un nom qui résonne dans le cœur des jdidis

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Par; Alain Degans-_-vv

C’est devant un auditoire qui avait envahi la médiathèque de l’Institut Français d’El Jadida que son Directeur, Damien Heurtebise, présenta la conférencière d’un soir en la personne de Nelcya DELANOE venue nous conter l’histoire commune et singulière de sa famille avec El Jadida-Mazagan.
Il y avait ceux qui, récents nouveaux jdidis venus d’Europe, voulaient entendre la vie de cette famille dont on leur disait tant de bien ; il y avait également ceux qui, jdidis de longue date, étaient venus pour un hommage aux « toubibs » mazaganais, qu’ils aient connus l’un d’eux ou que  la générosité de la saga  ait été inscrite dans la tradition orale de leur famille …
docteur

Il fut plus particulièrement question de la vie de la grand-mère de la conférencière, Eugénie, médecin venu à l’appel de Lyautey pour devenir la première femme médecin au Maroc en 1913. « La toubiba » a laissé dans la mémoire jdidie une impression telle que les marocains d’aujourd’hui en parlent avec respect et amour : une femme de combat et de conviction pour le métier difficile qu’elle exerçait dans un Doukkala misérable parmi une population où l’hygiène était à instaurer.

 
De cette vie, il reste un livre autobiographique « Trente années d’activité médicale et sociale au Maroc », totalement introuvable en librairie et que la petite-fille a scanné à l’intention de l’Institut Français d’El Jadida. Nelcya Delanoë qui a peu connu sa grand-mère, a écrit, en historienne qu’elle est, un livre sur cette vie exceptionnelle « la femme de Mazagan » lui aussi totalement épuisé.
Son exposé prit pour base le livre d’Eugénie dont elle donna les grandes lignes :

les maladies infectieuses au Maroc en 1913

  • les femmes marocaines (maternité, vie familiale, etc…)
  • l’éducation en particulier des jeunes filles appelées à devenir des mères
  • les femmes en marge de la société principalement les prostituées.
Un livre autobiographique impersonnel où la grand-mère ne parle pratiquement pas d’elle. Nelcya donna donc quelques repères :

naissance en juin 1885 en Pologne russe

  • victime de la répression tsariste envers les juifs, Eugénie fuit et s’installe à Paris, capitale du pays des « Lumières » où elle s’inscrit en études préparatoires à médecine.
  • Ce qui la faconne, c’est son désir de science et l’inconnue de la science.
  • Elle s’installe à Montpellier pour poursuivre ses études de médecine où elle rencontre Pierre Delanoë, son futur époux – Thèse : « la fleur intestinale au cours de la typhoïde ».
  • Valide son diplôme en Russie et revient s’installer à Fontenay
  • elle part au Maroc après avoir épousé Pierre qui , lui, est affecté en Afrique Occidentale Française, à l’appel de Lyautey dans une optique de « tache patriotique et humanitaire à accomplir ».
  • elle organise le service des femmes au sein de ce qui sera l’hôpital mixte régional, forme des infirmières jeunes servant d’interprètes, et apprend l’arabe pour recevoir les confidences médicales intimes d’une population autochtone misérable ; elle n’hésite pas d’aller dans les moindres gourbis afin de porter son aide.
  • 13 jours avant la déclaration de guerre, Pierre la rejoint à Mazagan et est affecté au service médical des armées au Maroc. Il travaillera à vacciner la population notamment. Eugénie devient médecin chef par intérim du fait de la mobilisation masculine.
  • Naissance de Guy en 1916 (père de Nelcya), futur cardiologue mais surtout connu et estimé par les marocains pour sa prise de position pour l’indépendance du Maroc dans le mouvement « Conscience française » qu’il créa et présida.
  • En 1917, Pierre décide de s’engager en France, laissant Eugénie à Mazagan où elle organise la médecine dans les écoles avec la création des fiches médicales pour chaque élève, l’ancêtre des carnets de santé, les colonies de vacances, le travail prophylactique auprès des prostituées . Elle devient médecin chef de l’hôpital en titre.
  • En 1943 ; retour en France où elle est radiée de l’Ordre des Médecins de Vichy (juive). Elle émigre au Etats-Unis où elle trouve un emploi dans des laboratoires.
  • Paradoxalement, en 1945 elle demande sa réinscription à l’Ordre des médecins gaulliste qui lui est refusé pour un motif surprenant et fallacieux : il lui est reproché de ne pas avoir cotisé durant la période où elle était radiée !
  • Elle publie son livre en 1949 et décède en 1951.

L’exposé de Nelcya Delanoë fut suivi, non pas de questions, mais d’évocations du parcours exceptionnel et singulier de cette jdidie de cœur dont une des rues jouxtant l’ancien hôpital porte son nom

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