Published On: mar, Juil 19th, 2016

IL ÉTAIT UNE FOIS L’ÉCOLOGIE

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Par  Ahmed BENHIMA-_-hiti

« Qu’est-ce  qu’une vérité qui ne nous rend pas meilleur ?.. »
H. Mavit, Refus de l’absurde,  Paris, La Colombe, 1953

Le but de mes commentaires sur l’affaire des déchets en provenance d’Italie, n’est ni de m’acharner  pour obtenir le départ de madame la ministre, ni de me livrer à la polémique stérile, propre aux campagnes pré-électorales. Madame El HAITI jouit, à mes yeux, d’estime  et de respect. Je pense cependant qu’en autorisant l’entrée de matières suspicieuses au Maroc, dans les circonstances, les conditions et aux fins rapportées par la presse nationale et internationale et dénoncées par la société civile, elle a pris une décision qui comporte des imperfections graves et des risques considérables.
La stratégie adoptée pour gérer la crise qui en est issue par le ministère chargé de l’environnement  et ses partisans comporte beaucoup de vices. Elle est, de toute évidence, maladroite et inappropriée puisqu’elle recourt au déni, à la confrontation, aux déclarations contradictoires, à l’utilisation d’arguments souvent sans fondements et, en tout cas, non convaincants et met à nue les lacunes d’une politique inefficace et sans perspectives en matière de protection de  l’environnement. J’en citerai, de bonne foi et pour illustrer mes propos sans plus, quelques-unes et ajouterai deux aux trois  suggestions à celles de mes concitoyens pour participer activement et sereinement au débat ouvert, peut-être durement, peut-être rageusement mais sans doute utilement.
Qu’est-ce qui a fait et fait encore mal ? Ce sont  d’abord des déclarations qui référent à une réalité fabriquée et contrastent exagérément avec la réalité vraie et vécue : «  Le Maroc n’introduit pas de déchets dangereux et n’en incinère pas dans ses usines, du moins sans contrôle et sans précautions. » Je suis originaire de Safi, ville victime de la pollution chimique intense et ravageuse. Je peux témoigner des dégâts causés justement par ce phénomène.  Pendant que les cheminées émettent continuellement des fumées denses et noirâtres et des odeurs suffocantes et pendant qu’elles déversent sur la ville entière des poudres polluantes d’une rare saleté et d’une inégale agressivité et pendant qu’elles condamnent aux maladies chroniques des pans entiers de population, des experts officiels attestent et expliquent hautainement  que des analyses sont effectuées régulièrement, que des mesures de sécurité sanitaires sont  scrupuleusement respectées et que la ville et ses habitants, qui croulent  pourtant à vue d’œil, n’encourent aucun danger. Le cas de Safi n’est malheureusement pas unique  et des propos si ridicules et si mensongers  discréditent leurs auteurs et irritent la population.
Puis, ce sont les soutiens, par solidarité, du ministre de l’intérieur et ceux, par  devoir, du secrétaire général du mouvement populaire qui a indiqué, en substance, que la ministre Harakie  n’a rien à se reprocher. Elle s’est, dans cette affaire,  parfaitement conformée au règlement arrêté par le gouvernement. Maintenant, si ce règlement est imparfait ou nécessite des amendements, il faut, d’après lui, s’adresser à l’autorité législative (parlement) et à l’autorité exécutive (gouvernement) plutôt qu’à sa militante. Monsieur El Ansar est, à ma connaissance, un politicien expérimenté et rôdé. On ne peut pas lui pardonner de confondre un technocrate recruté et un partisan élu. Le premier exécute une tâche, vend un service à son employeur, le second apporte un projet et donne un engagement à ses électeurs. Madame El Haiti  est une experte. Elle a accepté d’intégrer une équipe gouvernementale  au nom de son parti pour exécuter, entièrement ou partiellement, un  projet ou démissionner si elle en est empêchée.  C’est ce que les ministres du parti de l’istiqlal avaient fait lorsqu’ils avaient jugé, de bonne fois ou non, que leur objectif devenait  incompatible avec  celui du gouvernement. C’est une décision honnête et courageuse que Sa Majesté avait acceptée avec bienveillance mais  que Madame El Haiti n’a pas prise. La plaidoirie de Monsieur El Ansar est apparue donc, pour la troisième fois consécutive, inadéquate et inacceptable.
Ce sont ensuite les arguments de madame la ministre elle-même qui ont fait mal. Selon ses propos, les déchets, objets de controverse, prétendument analysés avec minutie (par qui et avec quelle garantie ?), constituent une source d’énergie de substitution bon marché pour les usines d’incinération équipées pour cet usage (mais quelles usines fonctionnent  chez nous avec les normes de précaution sanitaires requises ?). Et dans le cas même de l’affirmative, où sont  passées les économies effectuées ? A qui ont-elles profité ? Pourquoi le prix du sac de ciment sur le marché n’a pas baissé ? A quoi ces acrobaties économiques et ces tracas politiques ont –ils été utiles ?
Le plus surprenant à mon avis, c’est la déclaration inattendue du ministre italien de l’environnement qui a affirmé qu’il n’existe entre son ministère et celui du royaume du Maroc aucune convention au sujet des déchets et que, par conséquent, il n’y a eu entre les deux ministres ni discussion ni accord sur ce dossier. Alors, avec qui notre ministre a-t-elle négocié ? Etre responsable officielle et agir en dehors du gouvernement ou d’institutions agrées me paraît inconcevable. C’est un acte grave  qui bafoue la constitution et répugne à la morale. Il ne peut en sortir, ici, que des calamités écologiques.
Ce qui fait enfin mal dans cette affaire, c’est le communiqué de presse du porte parole du gouvernement qui révèle l’implication incontestable de ce dernier dans le scandale écologique, traduit la forte pression populaire qu’il a subie, le désaveu de la ministre et de ses partisans, même appartenant à la majorité, son adhésion empressée aux réclamations  justes des citoyens. Il dénude l’absence de politique écologique même de court terme, encore plus de moyen et de long termes.
Et maintenant, que reste-t-il à faire ? Sans doute, tirer les leçons et aspirer au meilleur pour notre bien être et pour la réputation de notre pays. Je ne crois pas, un seul instant, que notre ministre, même fautive ou mal conseillée, soit moins citoyenne que nous, aime son pays moins que nous. Elle est, au final, issue d’un parti ancien, de combattants, de résistants et de partisans  loyaux, dévoués et acquis à toutes les causes nationales. A ces titres et pour ces convictions, je me permettrai de lui faire quelques suggestions, en dehors du cadre technique  auquel je ne comprends rien.  Je lui proposerai de saisir l’opportunité de cette prise de conscience massive pour la cause écologique pour initier, à travers les écoles, des programmes d’apprentissage et d’éducation théoriques et pratiques, à travers les médias, des campagnes de sensibilisation  directe et insistante et à travers les institutions judiciaires, de créer un souci écologique permanent pour les législateurs. Je lui proposerai de batailler pour faire admettre aux communes de restaurer et de créer des espaces verts proportionnels à l’évolution démographique et urbanistique et d’en assurer la protection et l’entretien, de leur faire admettre la nécessité de séparer les zones industrielles des habitations par des ceintures vertes, de recruter, en quantité suffisante, le personnel de nettoyage, formé, équipé et rétribué correctement. Cela peut paraître excessif et même utopique. Oui, avec la mentalité actuelle.  Tout à fait envisageable et réalisable avec celle à laquelle nous devons aspirer et avec la rationalisation des dépenses que nous effectuons. Dieu merci, le Maroc dispose de cadres compétents et de citoyens intègres. Ils sont parfois méconnus ou contrariés mais il faut les chercher et leur faciliter l’accès aux postes de responsabilité. En un mot, il faut croire fermement qu’un avenir meilleur est  nécessaire et est tout à fait  possible.
Ahmed BENHIMA

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