Published On: ven, Août 29th, 2014

Ces lecteurs extraordinaires comme Jean Géraud

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geraudMustapha Jmahri (écrivain)-_-

Pour un écrivain marocain, il est des lecteurs qu’on ne peut jamais oublier parce qu’ils sont tout simplement inoubliables. Ils sont un appui précieux pour l’écrivain d’abord par l’acquisition de ses œuvres mais aussi et surtout par l’échange et les multiples gestes d’encouragement à son égard. Ils donnent, en fait, tout son sens à l’effort de l’écrivain et à son travail.

Personnellement, j’ai connu plusieurs exemples de ces lecteurs tant au Maroc qu’en France. Mais s’il fallait n’en citer qu’un, ce serait Jean Géraud, décédé récemment à l’âge de 93 ans. Ce lecteur passionné fut professeur à El Jadida au début de l’Indépendance. Il aimait beaucoup le Maroc et tout particulièrement El Jadida et il tenait donc à lire mes publications sur cette ville. De la maison de retraite où il vivait depuis quelques années, il me commandait mes livres d’une façon régulière. Mais jamais je n’ai soupçonné que, dans ses dernières années, sa vue avait beaucoup baissé à tel point qu’il ne pouvait lire : c’était donc sa fille qui lisait pour lui.

Je n’ai appris son handicap qu’à l’annonce de son décès par sa fille. Elle m’a dit combien il appréciait mes écrits qui lui rappelaient une période riche de sa vie de jeune professeur dans la ville d’El Jadida où il avait exercé durant une douzaine d’années.

Tout au long de ma relation avec cet homme, il n’a jamais mis en avant son handicap et ne m’a jamais laissé entendre qu’il avait des difficultés de vue. Certainement, il tenait à m’encourager tout en se tenant lui-même informé. Cet homme croyait très fort, par delà les frontières, à l’amitié entre les peuples et à la fraternité entre les hommes de bonne volonté.

Jean Géraud était arrivé enfant au Maroc où ses parents avaient exploité des hôtels et notamment le Regina à Fès. Lui-même a enseigné au collège d’El Jadida de 1945 à 1957. C’est là qu’il a appris l’arabe marocain. Même en France, il continuait d’apprendre l’arabe à l’aide de cassettes audio.

A El Jadida, Jean Géraud habitait l’immeuble des Habous sis avenue Hassan II. Parmi ses voisins marocains: Belekbir et Ben Allal dont les deux filles Leila et Touria étaient ses élèves. Au collège, son collègue marocain n’était autre que l’historien Si Mohamed Chiadmi. Son meilleur élève n’était autre que Haj Moussa Abdellah qui deviendra le premier président du conseil municipal d’El Jadida.

Dans ses dernières années passées en maison de retraite à Bordeaux et malgré son handicap, il a gardé toute sa lucidité et toute sa présence d’esprit. Quand je lui téléphonais pour m’enquérir de sa santé, il en profitait pour me poser des questions sur le développement urbain d’El Jadida, sur le collège où il avait enseigné, sur l’avenue où il habitait et sur mes projets d’écriture.

Jean Géraud est l’exemple radieux de ces lecteurs qui marquent à tout jamais la vie d’un écrivain.

 

jmahrim@yahoo.fr

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