Published On: lun, Sep 2nd, 2013

Un livre sur une personnalité d’Abda/Doukala

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Mohammed_bin_Hadou_Moroccan_ambassador_to_Great_Britain_1682Titre :   Un grand homme éludé de la mémoire de la cité de SAFI
                   Mohammed BEN HADDOU  AATTAR AL ASSAFI
 Ambassadeur du Sultan MOULAY ISMAEL auprès du Roi CHARLES II
                     Auteur : Professeur Ibrahim KREDYA
                         Introduction du Docteur Abdelhadi TAZI
    Chercheur, diplomate et membre de l’Académie du Royaume du Maroc
                          Présentation : Ahmed BENHIMA
IL ETAIT UNE FOIS DERB AATTAR….
Dans la vieille médina de Safi, à proximité du mausolée  Lalla Oum Ali, il y a une impasse qui porte le nom d’AATTAR (Derb AATTAR). On la croirait un abri dédié à l’oubli. Sur une plaque métallique bleue, fixée sur instruction d’un préposé quelconque de la municipalité ou d’un élu inconnu, des lettres, en calligraphie marocaine, tracées, dirait-on avec application de la main d’un fqih de msid. Dessins blancs  sur fond marin, coloris qui rappellent   l’eau  de l’Atlantique et ses vagues, non loin des lieux que j’évoque ici.
PRODIGIEUSE CARRIERE, TRISTE DESTIN
AATTAR (1) est justement le personnage auquel le professeur KREDYA a consacré le livre que je présente. Cet homme intrigue et étonne car en dépit de sa forte personnalité, des hautes fonctions qu’il a assumées, de ses origines distinguées, les historiens semblent avoir reçu l’ordre de n’en conserver aucun souvenir  pour la postérité. Mais Dieu est grand. Sa volonté  de faire  ressurgir de l’ombre un homme qu’Il a comblé de qualités est plus forte. (2)
De hasard en curiosité, les traits de ce personnage ont surgi grâce, nous dit l’auteur, aux efforts  de  l’éminent professeur, chercheur et membre de l’Académie du Royaume, Abdelhadi TAZI qui a suivi son empreinte jusqu’ aux archives de la bibliothèque de Londres.
L’auteur nous apprend que du côté de son père, l’origine lointaine de AATTAR est SOUSS. Son origine plus proche est ABDA/DOUKKALA. Nous apprenons encore qu’il est né à Safi et qu’il est issu d’une famille qui compte d’illustres notables du makhzen depuis le règne des Saâdiens (3). Cette filiation a impacté sa personnalité et l’a prédisposé à assumer ses hautes fonctions de caïd, gouverneur, chancelier, ministre et ambassadeur (4).
Du côté de sa mère, les ouvrages consultés sont unanimes sur son origine européenne. Anglaise ou française ? Le fils  a tranché. « Ma mère, confie-t-il, est françaouiya ». Il en a hérité de nombreuses qualités. La maîtrise des langues étrangères en est une principale.
L’AMBASSADE : LA GLOIRE
En novembre 1681, Moulay Ismaël a désigné à la tête d’une délégation diplomatique marocaine, chargée de signer un traité d’amitié, de paix et de commerce avec les Anglais, le diplomate Mohamed Ben Haddou AATTAR Al Assafi. Celui-ci, a été reçu avec faste, rapporte un témoin (5), le 11 janvier 1682 au palais de White Hall. Le détail des négociations qui révèlent la force de caractère, la détermination et  l’habileté de notre ambassadeur et leur effet sur les partenaires anglais est narré  dans un style distingué.  Curiosité et admiration mêlées ont entraîné d’autres réceptions aussi fastueuses les unes que les autres. Le 24 Janvier 1682 c’est la Duchesse Louise Renée de Portsmouth, maîtresse du Roi Charles II, qui a invité la délégation marocaine à un dîner. Professeur KREDYA en raconte le détail en insistant sur la conduite pudique des marocains. Elle a été suivie ensuite d’une invitation à un déjeuner par Lord Georges Berkely  où ben Haddou et ses compagnons ont suscité respect et émerveillement.
Au cours de son séjour en Angleterre, la délégation marocaine a séduit les anglais par son habileté  équestre, le luxe et l’ostentation qui la caractérisent. C’est ainsi que le peintre du palais  Godfrey Kneller, assisté par J. Wick, a fait un portrait  géant de l’envoyé du Sultan.
Homme de grande culture et parfait anglophone, l’ambassadeur Ben Haddou allait dans son temps libre au théâtre, à l’opéra et visitait le pays. Ses qualités ont été vite remarquées à l’Académie des Sciences, The Royal Society où il sera reçu avec les honneurs le 26 avril 1682. AATTAR a donné une conférence dans les locaux de la bibliothèque de l’Académie et a produit sur l’assistance un immense attrait.
RETOUR AU PAYS : LA DISGRACE
A la fin de sa mission, une cérémonie officielle lui a été organisée. Des allocutions ont été échangées et des poèmes ont été improvisés dans la langue de Shakespeare.  Le 23 Juillet 1683, notre diplomate est retourné au Maroc, chargé de cadeaux offerts par Charles II à Moulay Ismaël.
Contre toute attente, Moulay Ismaël n’était pas content du résultat des négociations dirigées par AATTAR. De l’avis du Sultan, Son ambassadeur était trop indulgent avec  un interlocuteur arrogant et  infidèle (6). N’occupe-t-il pas déjà les présides de Tanger ? Pourquoi s’engager, en plus, à lui octroyer des facilités et d’autres avantages ? La colère du Roi, attisée par des rivaux, a failli lui être fatale. Mais dans cette épreuve, Ben Haddou est demeuré confiant en Dieu, fidèle et attaché au Souverain.
LES TRACTATIONS : LA DIPLOMATIE DU SECRET
Dans une dernière tentative de rattraper sa faute, AATTAR a engagé des pourparlers secrets avec  Charles II, à titre particulier et amical. Il Lui a déconseillé toute confrontation avec les armées aguerries de Moulay Ismaël. Toute tentative serait inutile et ferait définitivement perdre aux anglais tout avantage dans le Royaume Chérifien. Pour relater les péripéties des tractations où se jouent  l’avenir du pays, le destin d’un homme dont la vie bascule entre l’espoir de gagner et le risque de tout perdre, M. KREDYA associe art narratif et érudition historique. Le Roi anglais a fait confiance à Son ami et ancien ambassadeur dans Sa cour. Tanger a été libérée et les relations entre les deux royaumes sont devenues amicales et privilégiées. Quant à AATTAR, il a perdu définitivement son poste d’ambassadeur,  mais il est resté, jusqu’à la fin de sa vie,  l’homme incontournable de l’Etat, dans d’autres missions.
POUR LA REHABILITATION D’AATTAR, POUR L’EMANCIPATION DE SAFI
Mohamed Haddou était un grand homme du makhzen Ismaëlien, une personnalité hors du commun qui n’a, paradoxalement, reçu sa part de considération, ni à son époque ni dans celles  qui ont suivi. Il est temps que les «  mesfiouis »  réparent  cette injustice, érigent, par exemple, un monument à sa mémoire, ou attribuent  son nom à une grande artère ou à une institution culturelle, qu’ils étendent ces pratiques à d’autres grands hommes de notre cité, en signe de reconnaissance et de gratitude méritées.
S’agissant  du livre de M. KREDYA, j’atteste que je l’ai trouvé  captivant par l’abondance et la précision de ses informations. Je l’ai lu avec plaisir, avec bonheur. Il m’a confirmé que Safi, à l’instar d’autres villes marocaines,  est généreuse. Depuis les temps les plus reculés, ses fils s’engagent avec dévouement, avec ferveur dans le service de la nation. C’est une tradition qui se perpétue puisqu’elle  présente sans rupture des serviteurs compétents,  fervents et dévoués.
Ahmed BENHIMA

Fait à El Jadida
Le jeudi 18 Juillet 2013/ 9 Ramadan 1434
(1)     Le nom de ce personnage se présente avec plusieurs orthographes différentes qui correspondent à plusieurs prononciations différentes.
(2)     ʺPour des raisons inconnues, les sources marocaines, qui ont pourtant évoqué brièvement ou en détail plusieurs diplomates, ont totalement méconnu notre personnage. Ainsi, dans son ouvrage sur Moulay Ismaël et plus précisément dans le chapitre consacré aux célèbres représentants du Sultan dans les pays d’Europe, même l’historien officiel Moulay Abderrahman Ben Zidane n’ a pas murmuré un seul mot sur l’ambassadeur AATTAR. »P. 15
(3)     ʺJ’appartiens, écrit  AATTAR lui-même, à une famille connue par sa loyauté aux rois pour les avoir servis depuis très  longtempsʺ.
(4)     ʺ Je fais partie, confie-t-il  en 1683, à son ami Charles II, Roi d’Angleterre,  du cercle des serviteurs  les  plus rapproché du Sultan Moulay Ismaël.ʺ
(5)     John Evelyn, cité par A. TAZI, dans Mohamed ben Haddou, p. 63
(6)     Ici, non musulman, “Kafir”

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